Le Wrap Up de la semaine où les enfants sont rentrés à l'école masqués (31 août 2020)
5 bullet points de la semaine : médias, tech, société
On aime cette petite musique de rentrée, avec ses fournitures, ses bâtons de colle et ses cahiers rouge 48 pages petits carreaux. C’est aussi l’heure de rentrée pour le Wrap Up de retour en format 5 bullet points.
Les affaires reprennent, cette semaine, ont retenu notre attention :
奥斯卡 🎬 : comment dire Oscars en Mandarin ?
Breveté ®️ : l’avenir que nous imaginent les géants de la tech
Bugglé(s) 🎙️ : Amazon rapproche un peu plus la musique et la vidéo live
Sécurisé 🛡: si la sécurité plutôt que la science avait contribué à séculariser nos sociétés
奥斯卡 🎬 : comment dire Oscars en Mandarin ?
Après cette année assez inhabituelle pour les salles obscures, les chiffres du box-office chinois (peut-on croire un seul chiffre provenant d’un pays avec un parti unique? mais c’est un autre débat) laisse apparaître que le marché chinois est en train de prendre le pas sur le marché américain comme 1er marché cinéma au monde, après s’être développé de près de 35x en 15 ans !
On arguera que désormais les entrées salles ne constituent plus qu’une des sources de revenus des superproductions hollywoodiennes (elles sont en revanche indispensables pour alimenter les revenus adjacents!), les producteurs de Tinseltown ont compris depuis quelques mois déjà que le centre de gravité de leur industrie était en train de basculer vers l’Empire du Milieu. (Pour Disney, les revenus totaux chinois sont désormais équivalents aux revenus provenant d’Europe. Pas très étonnant que le remake de Mulan en live-action movie ait gommé de l’histoire son comparse dragon qui déplaisait tant au public chinois.)
L’article de The Economist dépeint avec méticulosité, comment le pouvoir chinois a progressivement et intelligemment depuis les années 1990, ouvert puis fermé le marché domestique chinois aux films étrangers (lire américains), avec cette accélération prodigieuse offerte aux “coproductions”. Les films qui obtenaient ce statut exemptaient les films étrangers d’un seul coup de quotas de diffusion, de restrictions sur le chiffre d’affaires part producteur et surtout il leur permettait de sortir lors des meilleures dates (au moment des 4 fêtes chinoises : Nouvel An Chinois, Printemps, Eté et fête nationale, fêtes qui représentent 50% des ventes de billets).
Désormais avec la croissance des tensions commercialo-diplomatiques, les règles chinoises sont en train de réduire le flux : seuls les films dont les Chinois représenteraient 1/3 du capital et 1/3 du casting font désormais office de “films coproduits” (pour peu qu’au moins une scène ait été tournée en Chine); les fonds chinois ont progressivement été aussi incités à vendre leurs participations hollywoodiennes.
“The Chinese have no intention whatsoever of allowing non-Chinese media brands to operate in China,” sighs one person involved in that unhappy experiment.
Mais ce qui inquiètent le plus les producteurs américains c’est finalement la volonté de contrôler le contenu idéologique des films : au delà de l’interdiction absolue qui porte sur les “3 T” (Tibet, Taiwan, Tian An Men), c’est désormais sur des points plus pointus et souvent non-dits que porte la censure : par exemple, Pirates des Caraïbes 3 n’a pas été évincés en raison de sa violence, mais par son constante référence aux fantômes…
Certaines règles non-écrites pourraient passer pour mineures, d’autres commencent à porter davantage à conséquence : une scène de World War Z a été interdite car laissait supposer que le virus pourrait provenir de Chine … (toute ressemblance avec des événements ou des personnes serait bien sûr fortuite).
Les pouvoirs politiques américains commencent à se mêler de l’affaire et s’inquiètent de l’influence que le Parti Communiste Chinois pourrait avoir sur la ligne éditoriale des films américains, appelant même à citer à témoigner des dirigeants de studios US devant le Sénat et les menacer de ne plus pouvoir utiliser l’armée US dans leurs films pour les récalcitrants ainsi pointés du doigt (on voit d’ailleurs par ce biais à quel point la mise à l’écran de cette armée renforce son soft power).
L’article conclue sur le faible risque de voir s’éroder réellement le soft power américain, même s’il pointe le risque d’une divergence culturelle accélérée entre la Chine et le monde occidental, car si les films américains se sinisent, les films chinois n’ont toujours pas séduits le reste du monde. (On atténuera ce jugement concentré sur les seuls films cinématographiques en voyant la propagation dans le monde entier des soap operas chinois donnés quasiment gratuitement à des chaînes de TV de tout pays, pour promouvoir la grande histoire patriotique chinoise…). So much pour le dialogue des cultures…
Lire l’article de The Economist
Pour recevoir le Wrap Up avant les autres et accéder aux archives, il suffit de laisser son mail ici :
Débogué🐛: le hacker Saxx passe à table
Fabien Roques éditeur du podcast Anti-Brouillard nous a régalé cette semaine avec la première partie d’une interview du hacker Clément Domingo, alias Saxx.
Souvent à l’origine de fantasmes sur leurs pouvoirs et leurs nuisances, l’interview s’attache à démystifier le quotidien d’un hacker (enfin particulièrement celui d’un white-hat hacker, c’est à dire d’un hacker gentil) et à mieux faire comprendre sa contribution à l’éco-système des applications de tous les jours.
On comprend aussi à mot couvert qu’il est souvent question d’égos entre les développeurs et que tous n’ont pas encore la maturité d’accepter la critique qui vient de l’extérieur sur les failles des produits qu’ils développent en interne, même si cette culture de la critique progresse significativement.
On apprend aussi que la prochaine guerre entre Etats sera particulièrement teintée de cyberguerre, en particulier sur le blocage des communications descendantes de l’état-major de l’ennemi à ses forces armées (il est fait référence à un effort de guerre qui sera à 60% sur la partie cyberguerre?). En effet, comment combattre quand la chaîne de commandement est immobilisée.
On a hâte de connaître la suite :
Ecouter le podcast Anti-Brouillard sur Saxx
Breveté ®️ : l’avenir que nous imaginent les géants de la tech
Le Web est plein de ressources inestimables : c’est une newsletter pépite que je vous propose cette semaine, elle s’appelle Patent Drop et traque pour vous les brevets que les géants de la technologie déposent auprès de l’institut américain des Brevets.
Cela permet d’avoir un avant goût de ce que les géants de la tech imaginent développer pour nous dans les prochains mois ou années. Souvent ces brevets ne donnent pas lieu à des exploitations réelles, mais servent souvent à contre-carrer les plans de leurs concurrents, donnant naissance à une industrie en perpétuelle renouvellement au pays où les avocats sont rois, de chasse aux industriels qui exploiteraient des brevets qui ne renouvellent pas.
C’est ainsi que Jeremy Charoy, le cofondateur de Polagram devenu LaLaLab, une appli de développement photo, avait découvert ces fonds américains qui rachètent des boîtes en faillite (comme Kodak) pour la valeur de leur portefeuille de brevets (en l’espère le nom commercial de Polaroïd), sans aucune intention de les développer, mais uniquement de débusquer ceux qui les utiliseraient à leur insu (et peut-être de leur plein gré) pour leur soutirer quelque argent sonnant et trébuchant.
Bref, long story short, cette semaine dans Patent Drop, vous apprendrez que :
Disney travaille à des applications sur smartphone pour enfants mais qui veilleraient non pas à leur faire passer davantage de temps sur les écrans, mais au contraire qui leur attribueraient des points en fonction d’exercice physique à mener en extérieur (avec trackers de mouvement, de température corporelle et de “temps calme”)
Microsoft voudrait enrichir ses chatbots avec les mimiques et faciès des utilisateurs pour créer des avatars favorisant, ce qu’on connaissait déjà dans les sciences sociales attachées au décryptage du langage corporel : un climat d’intimité, de confiance et de connexion. Le film “Her” de Spike Jonze n’est plus très loin (à voir 4/5).
Paypal voudrait vous permettre d’acheter un objet ou une prestation par le simple fait de le regarder un objet dans la réalité, grâce aux promesses de la réalité augmentée. Mieux que le smart phone et le one-click buy, le “one look buy”.
Comme disait un chroniqueur matutinal du siècle dernier, nous vivons une époque moderne où le progrès fait rage. (un an d’abonnement au Wrap Up pour celui ou celle qui retrouvera son nom)
🙏 Sharing is loving
Communauté née organiquement, par le bouche à oreille ou par les réseaux sociaux, le Wrap Up dépasse désormais la centaine d’abonnés.
Pour m’aider à faire grandir ce cercle, si vous pensez à quelqu’un de votre entourage qui pourrait être intéressé par ce contenu, n’hésitez pas à lui partager :
Bugglé(s) 🎙️ : Amazon rapproche un peu plus la musique et la vidéo live
Vous connaissez probablement ce tube des années 80 : Video kills the Radio Star par les Buggles.
Amazon a décidé d’en prendre le contre-pied et de ne pas laisser s’entretuer la musique et la vidéo, mais bien au contraire de les rapprocher : le service de musique d’Amazon Prime permettra dorénavant de consommer les contenus live de Twitch directement dans son interface, tout particulièrement les contenus musicaux.
En effet, depuis la pandémie de LA COVID, les artistes ont une propension à remplacer par défaut, la salle de concerts par des diffusions live sur les plates-formes vidéos (dont Twitch, en témoigne la multiplication par 4 du nombre d’heures regardées dans la catégorie “Music & Performing Arts” sur le T2 vs. l’an passé). Ces dernières n’hésitent plus à signer de plus en plus de deals d’exclusivité avec certains artistes pour attirer les meilleurs talents sur leur seule plateforme.
Spotify serait sur le point de lancer une plateforme de vidéo live d’artistes, quant à YouTube, il met en avant son catalogue de contenus de concerts comme l’un des principaux arguments de vente de son abonnement premium YouTube Music.
Cependant, personne ne pense sérieusement que les revenus des concerts virtuels seraient à même de compenser le manque à gagner des représentations in situ. Cette diffusion massive de contenus sur les plates-formes vise principalement à faire passer la crise, l’article de Techcrunch citant le site StageIt, avance tout de même que le billet virtuel atteindrait désormais les 16$ pour 30 minutes de représentation (vs. 3.5$ en 2011).
Sécurisé 🛡: si la sécurité plutôt que la science avait contribué à séculariser nos sociétés
Très intéressante chronique de Brice Couturier, chroniqueur dans les Matins de France Culture, qui se penche sur la place de la religion dans nos sociétés européennes.
Elle nous rappelle, si besoin était, que si la religion, dans une tradition intellectuelle française bien établie, a reculé en France sous l’effet du positivisme et de scientisme à la fin du XIXème siècle, il n’en va pas de même dans les pays anglo-saxons. Ces derniers font de la sécurité un critère déterminant, un peu à la manière de la pyramide de Maslow pour les besoins individuels.
“la sécularisation se produit quand les pays ont atteint de hauts niveaux de sécurité existentielle.” Ronald F. Inglehart
Ecouter la chronique de Brice Couturier sur France Culture