Le Wrap Up de la semaine où le Capitole des Etats-Unis fut envahi (semaine du 4 janvier 2021)
5 bullet points : médias, tech, société avec une pointe de culture
⏲️ Temps de lecture : 7 minutes 43
En premier lieu, chers lecteurs, tous mes voeux pour l’année 2021 qu’elle vous soit douce et heureuse. Merci de votre fidélité et de vos encouragements d’édition en édition de cette newsletter.
Dans ce numéro, nous allons débuter une série qui va s’étaler sur tout le mois de janvier consacrée aux prédictions pour 2021 médias, tech et société énoncées ici et là. Nous nous attacherons à retenir le meilleur des prédictions, soit celles qui nous semblent les plus riches, soit inversement les plus folles, c’est tout l’intérêt des prédictions, qu’elles nous fassent réfléchir ou nous amuser.
Au sommaire cette semaine :
Prédictions 2021 🔮 : épisode 1/4 Scott Galloway
Couchée 🛌🏼 : sale temps pour la TV linéaire aux US
Polymath 📚 : Wikipedia malgré tout
Médiatisé 📣 : comment le fonds a16z fait sa com
Eduqué 👨🏻🎓 : cours d’histoire de l’Art du Grand Palais
Prédictions 2021 🔮 : épisode 1/4 Scott Galloway
Vous le savez pour les plus assidus de cette newsletter, le Professeur Scott Galloway de l’université de New York (NYU) en brand marketing, est souvent cité ici, tant ses sujets de prédilection (les GAFA, la tech, la politique US ou même la réflexion sur ce qu’est une bonne vie) sont traités avec une approche soit très no BS et drôle, soit très inspirantes.
Aussi chaque année il se plie à l’exercice de l’examen de ses performances prédictives de l’an passée et se risque à l’énonciation de nouvelles prédictions.
Ses plus gros fails de l’an dernier :
Uber fermant son activité Uber Eats (!!)
la baisse d’UPS devant l’inexorable montée en puissance d’Amazon dans la livraison de colis
La fin de l’exubérance irrationelle du cours de Tesla Motors
Ses plus grosses réussites de 2020 :
la réussite probable d’Amazon dans le domaine de la santé (82% des ménages américains ont un compte Prime !!!)
la faillite (inévitable) de Quibi, la plateforme de SVOD mobile créée par Katzenberg et Meg Whitman
Ses préditions les plus intéressantes pour 2021 :
Confronté aux possibles répercussions des actions anti-trust en justice, l’action de Facebook prend de la valeur en bourse (avec la perspective d’un démembrement de What’s App et Instagram) et Amazon spin-off(e) son offre d’hébergement AWS
La valeur en bourse d’AirBnb s’appréciera de 30% et entrera sur le marché de la location de bureau de courte-durée
Apple (trésorerie à disposition de 90 milliards de dollars) fait l’acquisition de Peloton (qui vend des appareils de fitness et des abonnements aux vidéos d’utilisation de ces appareils - valorisation d’entreprise de 32 milliards de dollars)
Le podcast va se faire “featurizé” (il va devenir un attribut d’un autre secteur économique) : comme toute l’industrie des médias, les consommateurs ont un fort coefficient de satisfaction (vu sous l’angle du NPS - net promoter score) bien que les revenus soient relativement modestes, ce qui donne du sens à ce qu’un acteur d’une industrie à forts revenus mais faiblement attractive du point de vue du public investisse cette catégorie (ex : Amazon).
Zoom va décroître en bourse et se faire acheter (la suite bureaucratique qu’il serait en train de développer lui fait cruellement défaut).
💗 Si vous êtes arrivé(e) ici par hasard, recevez le Wrap Up chaque semaine :
Couchée 🛌🏼 : sale temps pour la TV linéaire aux US
L’article de The Information est américain et décrit un marché TV américain en pleine dépression après la crise du Covid, mais les enseignements à tirer pour ce marché pourraient fort bien impacter notre situation française.
La crise sanitaire en mettant un coup d’arrêt aux rencontres sportives (le sport live est censé rester le contenu roi pour la TV vs. les autres supports vidéos) et en affectant pour un temps, l’arrivée de nouvelles séries ou films, a fragilisé considérablement les chaînes TV, projetant soit une concentration des acteurs, soit la fermeture de certaines d’entre elles (notamment pour les chaînes du câble US).
A la différence de la consommation TV en France (+18 minutes par jour à 3h58), les principaux networks ne se sont pas bien portés en termes d’audience :
The number of average viewers on the most-watched TV network, CBS, was down 21% this year, the report showed.
Côté revenus, le cord cutting (fait de résilier son abonnement au câble, principal moyen de réception aux US) a accéléré sa baisse à -7,5%, un record, et la publicité devrait baisser en 2020 de -15% (vs. -2,5% en 2019), dans un contexte où Snap, Facebook et autres Pinterest ont continué d’afficher des croissances publicitaires insolentes.
En outre, tous les networks TV ont prévu d’affaiblir leur line-up de programmes frais : ils ne font plus mystère de leur volonté de diffuser leurs meilleures séries et shows en premier lieu sur les plates-formes de streaming qu’ils ont lancé aux trousses de Netflix : Peacock (NBC), Disney+ (ABC), Paramout+ (le successeur de CBS All-Access qui reprendra aussi les contenus de ViacomCBS, c’est à dire MTV, Nickolodeon ou de Showtime), sans compter sur la concurrence que ces mêmes groupes vont se livrer sur la vidéo à la demande gratuite financée par la pub, l’AVOD : Pluto.Tv (ViacomCBS), Tubi (Fox), Hulu (Disney), Imdb (la version pubée et partielle d’Amazon Prime Vidéo), sans compter NBC et WarnerMedia qui ont annoncé des projets similaires.
Polymath 📚 : Wikipedia malgré tout
Dans notre monde de noirceur, il y a nombre de raisons d’espérer et de se réjouir. Sans pour autant adhérer tout de go à la Ligue des Optimistes, je vous conseille la lecture de l’article que The Economist consacre au 13ème site le plus visité des internets (devant Netflix, Reddit ou Instagram), aux 20 milliards (20 000 000 000) de pages vues par mois, aux 55 millions d’articles écrits en 293 langues différentes (le Français tient le 5ème rang en nombre d’articles derrière l’Anglais, le Suédois, le Cebuano et l’Allemand; pour le Suédois et le Cebuano on n’est pas tout à fait sûr que ce ne soit pas des ébauches créées par des bots), à savoir : Wikipedia.
Le journal s’étonne de la vitalité persistante de ce site, loin du “scaling” des entreprises du digital soutenues par des levées de fonds toujours plus importantes, sans algorithmes survitaminés de neuro-sciences pour créer la durée de navigation la plus “engageante” (ie. la plus dopaminée) et la viralité la plus vive.
Au contraire, Wikimedia, la fondation qui supervise Wikipedia, n’a pas soutien de fonds publics, ni d’investisseurs financiers, ni même de revenus publicitaires, elle dépend uniquement des dons des utilisateurs. Des économistes ont tenté en 2018 de lui donner une valeur d’usage (tout comme ils essaient de le faire pour d’autres actes économiques invisibles aux yeux de l’économie classique, par exemple le fait d’élever des enfants ou les tâches ménagères), et ils ont trouvé que les utilisateurs américaines lui attribuent une valeur économique de 150$ par an, soit un revenu d’usage de l’ordre de 42 Md$ !
Le site continue d’être alimenté et modéré par le désintéressement des experts et de simples citoyens venus de tous les horizons. La véracité des propos qui y sont tenus continue d’être l’objet de polémiques, débattue par les gardiens traditionnels du savoir; en octobre dernier, l’OMS prenant acte du statut de premier site d’informations médicales du monde de Wikipedia, a cependant décidé de s’y associer pour endiguer les flots de fake news au sujet du Covid19.
Les défis auxquels le site qui fête ses 20 ans doit faire face sont nombreux, citons principalement :
Wikipedia est né à une époque où l’internet était entièrement desktop; aujourd’hui la longueur de rédaction des articles (il ne coûte rien de rajouter un paragraphe!) n’est guère adaptée aux petits claviers de nos smartphones; L’interface est en train d’être optimisée pour ce support. En outre, Wikimedia tente de recruter de nouveaux rédacteurs (vital pour la survie à long terme du site) en les orientant vers des « micro-tâches », rapides d’exécution, comme les fautes de frappe ou la correction de dates, avant de les inciter à travailler à des tâches plus ardues.
De même comment maintenir l’implication des rédacteurs ? Katherine MAHER, la directrice exécutive de la Fondation Wikimedia , répond, non sans humour, que créer Wikipedia de nos jours dans un internet “fragmenté et animé essentiellement par des préoccupations mercantiles” serait impossible, mais ce qui lui permet de continuer est le principe selon lequel les humains “aiment avoir raison et le démontrer.”
Les erreurs permettent d’avancer : la loi de Cunningham énonce que la meilleure façon d’avoir une bonne réponse sur internet est de commencer par poster la mauvaise...
Culturellement, comme tout site internet né à une époque et dans une région donnée, le site comporte de nombreux biais penchant en faveur du fameux “mâle blanc occidental” (dont sont issus 80% des rédacteurs du site). L’Inde ou l’Afrique Sub-saharienne sont par exemple de très faibles consommateurs de Wikipedia, et les prochaines années devraient viser à tenter d’élargir les bases non-occidentales. La définition de la vérité, problème philosophique avec lequel nous nous débattons depuis près de deux millénaires si l’on se réfère aux Grecs, est sans doute en ces temps troublés de théories conspirationnistes et autres infox, le principal défi à relever.
Médiatisé 📣 : comment le fonds a16z fait sa com
La newsletter de Frédéric Filloux et Jean-Louis Gassé, Monday Note, se penche sur ce qui est devenu un phénomène éditorial inédit : le fonds d’investissement renommé dans la Silicon Valley, a16z, a embauché il y a maintenant 6 ans une cheffe de rubrique du magazine geek Wired pour en faire sa rédactrice en chef et lui faire diriger la “production média” du fonds.
Le résultat est étonnant avec près de 500 podcasts produits et 8 permanents dont 5 chefs de rubrique sur les sujets fintech, crypto, consumer, enterprise et biologie. Si certains sujets sont sensibles car liés au portefeuille d’a16z (>600 participations), d’autres sont encore plus touchy et la liberté éditoriale de l’équipe s’arrête là où commencent les intérêts des membres dudit fonds, les associés ayant été clairs avec la rédac-cheffe : pas de polémique au sujet de Facebook et de ses démêlés judiciaires (Marc Andreesen étant aussi administrateur de Facebook et ayant coaché Zuckerberg avant ses apparitions devant le Congrès au sujet de Cambridge Analytica) …
La ligne éditoriale est aussi curieuse qu’intrigante :
Creating “the go-to place to understand the future,” fed by “informed-optimism” and aimed at contributing to the “innovation-brand” positioning of Andreessen Horowitz.
Eduqué 👨🏻🎓 : cours d’histoire de l’Art du Grand Palais
Vous aimez l’art et vous souhaitez prendre un peu de temps pour découvrir ou approfondir son histoire ? HISTOIRES D’ART du Grand Palais propose des cours d’histoire de l’art “à la carte”. Une approche menée par les conférenciers de la RMN - Grand Palais, historiens de l’art passionnés et expérimentés.
J’ai eu le plaisir de suivre le premier de ces cours sur les 50 chefs d’oeuvre de l’art (malheureusement tout le cours est complet, même s’il faudra m’expliquer comment un cours en ligne peut être complet…) qui portait sur l’Antiquité.
A côté des traditionnels sarcophages de Touthankamon et autres bustes de Nefertiti (qui restent, entendons nous bien, des splendeurs), nous avons eu la bonne surprise de découvrir l’Aphrodite de Cnide (aussi célèbre dans l’Antiquité que la Joconde aujourd’hui) et de redécouvrir les Guerriers de Riace, fabuleuses statues de bronze pesant à elles deux, près de 400, qui datent de l’an 450 avant notre ère. Les statues de bronze, y apprend-on, étaient très répandues au temps de la Grande Grèce mais pour des raisons assez utilitaristes, elles furent pour la plupart fondues au cours du temps pour des besoins disons plus pressants (des armes par exemple). Ces deux exemples, sobrement intitulés Guerrier A et Guerrier B, sont deux vestiges retrouvés au large de Riace en Calabre en 1972 pour un plongeur amateur. On présume qu’ils furent jetés à l’époque par dessus bord lors d’un épisode de gros temps. Elles sont ainsi diversement attribuées à Myron, Hagéladas, Phidias, Alcamène ou Polyclète et ses successeurs, de célèbres sculpteurs grecs dont certains ne sont connus que par des textes et des répliques romaines.
Voici la liste des oeuvres retenus pour les 10 premiers chefs d’oeuvre :
La Grotte de Lascaux
La Porte d’Ishtar à Babylone (Pergamon de Berlin)
Le Buste de Nefertiti
Le sarcophage de Toutankhamon
Le Parthénon d’Athènes
L’Aphrodite de Cnide
Les Guerriers de Riace
Le Sarcophage des Epoux Etrusques
Le Laocoon (dont le récit de la découverte en 1506 sous les yeux de Michel-Ange vaut le détour)
Le Panthéon de Rome
(bonus track : L’Enlèvement de Perséphone par Hadès – rare peinture murale découverte sur le site de Vergina)
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