Le Wrap Up de la semaine où Jean Castex a été nommé Premier Ministre (29 juin 2020)
5 bullet points de la semaine : media, tech, société
Au sommaire :
Récalcitrant 😷 : pourquoi ne suit-on pas les règles sanitaires ? (AOC)
Ici la Voix 📻 : la Presse (UK) lorgne du côté de la radio digitale
Revisité 🤑: le Capitalisme (Nicolas Colin)
Traqué 🕵️ : la place grandissante de la surveillance des employés (US)
On rouvre 🎨 : le peintre espagnol Joaquin Sorolla à Aix-en-Provence
Récalcitrant : pourquoi ne suit-on pas les règles sanitaires ?
Nous avons tous introduit dans nos comportements quotidiens ces gestes barrières, dans le train, dans les transports, à des degrés moindres dans les restaurants, chez des proches, avec la famille. Pourquoi ces écarts ? Pourquoi, alors que nous avons collectivement brûlé les étapes d’expertise en épidémiologie, pourquoi ne faisons-nous pas ce qu'il faut ?
C'est un passionnant article dans AOC d'un sociologue, Benoit Bastard, qui tente d'interpréter notre refus des règles, sanitaires dans ce cas, à travers une hypothèse simple : les agents font des choix rationnels et leur réception du message médical est simplement la preuve que nous n'avons pas le même rapport à la santé ou à la maladie.
Il rappelle dans un premier temps les travaux de Luc Boltansky sur le rapport au corps et à la santé, opposant une approche binaire chez certaines populations (l’état de santé vs. l’état de maladie), alors que chez d’autres, dotés de davantage de capital culturel et qui a davantage les moyens de prendre en compte le temps long, l'état de la maladie est le résultat d'une dégradation lente et sourde de notre état de santé.
Bastard va plus loin et mêle à cette réflexion, les interactions sociales auxquelles nous sommes exposés quotidiennement et qui sont le siège d'une hiérarchisation forcée des normes (normes sociales de convivialité par ex vs. normes sanitaires).
De même, il nous amène à relativiser le respect des gestes sanitaires en fonction des situations et des individus : le masque par exemple, peut aussi bien être perçu comme un geste de défiance à l'égard de l'autre, que comme un geste de respect envers lui sur sa protection.
C’est parmi les personnes qui se situent dans un rapport instrumental au corps qu’on trouve celles pour qui les messages de prévention ne trouvent pas de point où s’accrocher et qui devraient par conséquent ne pas voir pourquoi se protéger de risques qui restent « invisibles ». C’est parmi elles qu’on devrait trouver les désinvoltes, voire certains dénégateurs d’aujourd’hui s’agissant de la diffusion du virus dans la population. À l’inverse, on imagine les personnes se situant dans un rapport réflexif au corps et à la santé bien davantage enclines à adopter les comportements « responsables » voulus par la prévention.
Enfin, il conseille pour plus d’efficacité aux pouvoirs publics de moduler leur message en fonction de ces différentes catégories.
Lire le (long) article dans AOC
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Ici la voix : la Presse (UK) lorgne du côté de la radio digitale
Le journal anglais The Times (propriété de Rupert Murdoch via le groupe NewsCorp) va s'essayer prochainement à la radio digitale avec le lancement de Times Radio. A l'heure de l'omniprésence du podcast pour l'ensemble des médias, le lancement d'une radio live 24/24 est un risque financier plus marquant (le budget initial serait de 3 m£ par an).
Ainsi, théoriquement, cette nouvelle offre trouverait son point d'équilibre si elle permet d'attirer plus de 10 000 nouveaux abonnés à l'offre du groupe. The Economist croit comprendre que Ruper Murdoch après la cession de son joyau le bouquet payant Sky à l'Américain Comcast, souhaite à travers cette initiative, rester dans le jeu politique anglais, à travers une diffusion mass media au Royaume-Uni, même si à une plus petite échelle.
La radio digitale surtout payante (avec ses limitations connues de faiblesse de l'équipement pour la réception en France) est une vraie gageure mais pourrait s'avérer dans les prochains moins, un modèle bénéfique, de stretching de marques pour les médias traditionnels.
Revisité : le capitalisme
Nicolas Colin, cofondateur de l'accélérateur The Family and auteur de la newsletter The European Straits (abonnement ici), livre ses réflexions rafraîchissantes sur le Capitalisme à l’ère de la suprématie de la tech.
Reprenant la classification de Fernand BRAUDEL, il distingue :
la vie matérielle;
l'économie de marché (la rencontre d'une offre et d'une demande à faible marge);
et enfin le capitalisme dont la place est finalement faible dans nos économies, quand bien même il serait la source la plus importante de création de richesses (de “surplus économique”).
Note that capitalism is not about creating jobs. We’ve all heard the gospel about capitalists as “job creators”, but really, since capitalism is all about increasing returns to scale, its focus is on how to produce as much as possible with as few expenses (and therefore workers) as possible. The better you get at doing capitalism, the fewer jobs you create as your business grows. Capitalism tends to create wealth while destroying jobs at the same time.
Pour résumer, sans dénaturer la richesse des propos, le succès des entreprises capitalistes repose ainsi sur deux éléments essentiels :
les rendements d'échelle croissants, que la tech appelle la scalabilité.
la maîtrise complète d'un des facteurs clés de production, que Colin appelle "the grip".
Un des aspects les plus intéressants de cet article est finalement notre accommodement avec le capitalisme pour peu qu’on ait, à l’échelle de la société, un effet de spill-over, des externalités positives. En somme, un déversement des richesses produites sur le reste de la société (un peu notre ruissellement macronien).
As a result, manufacturing created an economic surplus that could then be redistributed (through the market, taxes, and regulations) to the rest of society. Even if most people were ignorant about the microeconomic details, we as a society collectively felt how important those factories were to our well-being.
Pour rentrer davantage dans les subtilités de cette analyse, qui couvre également l’importance de l’industrie (dont les rendements ne sont nécessairement décroissants) et l’importance du rôle de l’Etat, lire son article dans The European Straits
Traqué : la place grandissante de la surveillance des employés (US)
Avec la crise du Covid19 et la progression fulgurante du télétravail, des solutions de "automatic time tracking” ou de “workplace analytics” ont fait florès, autrement appelés bossware ("patrogiciel").
L'article de l'Electronic Frontier Foundation a passé en revue différentes solutions vendues sur le marché et les différentes fonctions clés qu’elles proposent :
- Every product we looked at has the ability to take frequent screenshots of each worker’s device, and some provide direct, live video feeds of their screens... bosses can go back through a worker’s day and see what they were doing at any given point.
- Several products also act as a keylogger, recording every keystroke a worker makes, including unsent emails and private passwords.
- Companies that offer software for mobile devices nearly always include location tracking using GPS data. At least two services let employers secretly activate webcams and microphones on worker devices.
l'EFF pointe bien sûr les risques de déviance de l'utilisation de ces systèmes, et en premier lieu, la surveillance généralisée des employés à tout instant et l'accès à des contenus privés (conversations, mots de passe sensibles etc...), quand les logiciels en question ne s'en vantent pas directement :
L'Europe et la France en particulier, notamment avec le RGPD et la CNIL, se sont dotées d'un arsenal juridique qui permet d'éviter ce genre de dérives et qui impose un haut degré de transparence aux employeurs tout comme une certaine proportionnalité dans leurs agissements. Cependant, comme les solutions utilisées en Europe sont américaines pour la plupart, leur utilisation risque rapidement d'importer cette surveillance malgré elle.
Et vous, savez-vous ce que votre employeur regarde sur votre ordinateur de travail ?
Déconfiné à Aix en Provence : Joaquin Sorolla
Cet été, l'Hôtel de Caumont d'Aix en Provence a eu la bonne idée lors de sa réouverture, de proposer une exposition sur un peintre que j'affectionne particulièrement : Joaquín Sorolla.
Ses tableaux lumineux et balnéaires sont un régal : la lumière méditerranéenne, le vibrato de l'air et l'influence de Vélasquez créent une harmonie particulièrement touchante.
Je pourrais vous en parler davantage à ma prochaine expédition dans le Midi mais si vous êtes de passage dans la région, ne perdez pas une occasion d'aller y jeter un oeil.
🙏 Merci pour votre lecture, sharing is loving
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