Le Wrap Up de la semaine de la cloture de la COP28 (semaine du 11 décembre 2023)
🤜🥊: Apple, Google perdent une manche sur le monopole de leur store - ⚽️ : le foot immersif - 🙈 : Twitter casse l'info, Tiktok vole les contenus TV - 🎨 : Rothko en majesté à la Fondation LV
Au sommaire de cette semaine “transitionnant loin” des énergies fossiles :
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Disputés 🤜🥊: les big tech perdent des points sur le front de l’anti-concurrence
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Deux nouvelles cette semaine sont venues mettre en lumière l’enjeu majeur dans le domaine des logiciels mobiles, du droit de la concurrence mis à mal par les Big Techs.
D'un côté, nous avons l'affaire opposant Apple à l'Union Européenne, où la Commission européenne prévoit d'imposer une amende à Apple pour ses pratiques anticoncurrentielles sur l'App Store. Cette enquête se concentre sur la manière dont Apple limite les services de streaming musical concurrents, comme ceux de Spotify, en les empêchant notamment de pratiquer d’abonnements moins chers en dehors de l'AppStore. Bien qu’Apple ait fait des efforts cosmétiques pour permettre dans les faits à Spotify de pratiquer des prix différents, la firme suédoise a maintenu ses accusations. La décision de l'UE favorable aux éditeurs pourrait changer les règles de l'AppStore, même si cette décision n’est pas attendue avant début 2024. La volonté est tout de même apparente de réguler les grandes entreprises technologiques.
As part of the upcoming decision, Apple runs the risk of a potential fine of as much as 10% of its annual sales — although EU penalties seldom reach that level and orders for companies to change their business models can be more hard-hitting.
De l'autre côté, nous avons l'affaire Epic Games contre Google. En 2020, Epic Games a porté plainte contre Google (et contre Apple), alléguant que les pratiques du PlayStore d’Android étaient anticoncurrentielles. Cette action s'inscrit dans une démarche d'Epic visant à contester les politiques de monétisation des géants technologiques comme Apple et Google. Contrairement à Apple, Google permet l'installation parallèle d'applications tierces, mais met en garde ses utilisateurs contre cette pratique en soulignant l’absence de contrôle de sécurité de ces applications tierces.
Epic Games après avoir perdu nombre de ses recours contre Apple, a remporté son procès contre Google, saluant le verdict (unanime) comme une victoire pour les développeurs et les consommateurs, et critiquant l'abus de position monopolistique de Google.
Ces victoires montrent une évolution significative dans la manière dont les marchés numériques sont régulés (et pour une fois avec une similitude sur les deux rives de l’Atlantique). Epic Games cherche à montrer, fort de ses millions d’utilisateurs, la possibilité d'un modèle économique viable en dehors des écosystèmes d'Apple et Google.
Under the DMA, it will be illegal for the most powerful firms to favor their own services over those of rivals. They’ll be barred from combining personal data across their different services, prohibited from using data they collect from third-party merchants to compete against them, and will have to allow users to download apps from rivals platforms.
Incarnés ⚽️ : le foot comme si vous y étiez
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Dans une première inédite pour l'UEFA Champions League, le FC Red Bull Salzburg, en collaboration avec Sky Sport Austria, a lancé un projet pilote innovant lors de leur match à domicile contre Benfica.
Ce projet impliquait l'utilisation de "Jersey Cams" dans la retransmission télévisée, offrant une perspective inédite et en temps réel des joueurs. Alex Schlager et Amar Dedic, équipés de gilets spéciaux avec des caméras intégrées à hauteur de poitrine, ont permis aux spectateurs de vivre l'échauffement des joueurs depuis leur point de vue. Ces images, qui n'affectaient pas (trop) les mouvements des joueurs, étaient diffusées en direct sur les écrans géants du stade et étaient également disponibles en ligne.
Ce n'est pas la première fois que le FC Red Bull Salzburg expérimente cette technologie de caméra POV (pour Point of View). Un test similaire avait déjà été réalisé lors d'un match amical contre l'Inter Milan pendant l'été, bien que la diffusion n'ait pas été en direct à ce moment-là. Grâce à cette initiative avec Sky Sport Austria, le club autrichien cherche à être perçu comme pionnier en Europe, posant les jalons de nouvelles normes dans la couverture média du football.
Le projet reflète une volonté d'innover dans la diffusion sportive, en rapprochant les fans de l'action et en offrant une expérience immersive unique. Cette démarche s'inscrit dans une tendance plus large du secteur des médias sportifs, qui cherche constamment à améliorer l'engagement du public et à enrichir l'expérience des spectateurs grâce à la technologie, tout en utilisant in fine des codes des plus jeunes publics, car proches des jeux vidéos POV.
Dé(sin)formé 🙈 : comment Twitter a cassé l’info
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Depuis près d’une décennie, Twitter s'est imposé dans les médias de masse. Que ce soit pour les actualités de dernière minute, les commentaires sportifs en direct, la politique, ou les comportements controversés des célébrités, Twitter est une plateforme de référence dans l’info, qui marchait dans les deux sens : la fabrique de l’information et le lieu où l’on pouvait suivre ce qui se passait en trending topics.
Biz Stone, co-fondateur de Twitter, déclarait en 2009 que Twitter était devenu un "nouveau type de réseau d'information". À l'époque, l'idée que les grandes plateformes sociales rémunèrent les éditeurs de contenu et créent une nouvelle fenêtre d’exploitation des médias traditionnels lucratifs n’était pas saugrenue.
Twitter était vu comme un concurrent de Facebook et personne ne savait exactement qui l’emporterait. Selon Choire Sicha, éditrice du New York Magazine, Twitter avait le grand mérite de la simplicité dans sa gestion quotidienne par rapport aux autres plateformes comme Google, Snapchat ou Facebook. Les 140 caractères étaient le nec plus ultra de la sobriété et de l’efficacité.
“Google was mysterious and wizard-behind-the-curtain-y; Snapchat was whiplash central, and every time you came back around, the person you dealt with last had been fired; Facebook was an opaque and officious Death Star… But Twitter, while they definitely looked down on us and were always bothered by our simple requests, mostly just wanted to find some way to make both sides some money by creating stuff. We sort of had the same goal, and if you remembered that it never really sent any traffic, it was the happiest of platform-publisher relationships.”
Twitter avait l’ambition de trouver de nouveaux moyens de gagner de l'argent. Cette approche était différente de Facebook poussait de nombreux médias à se concentrer sur la production de vidéos, en mentant sur ses chiffres pour finalement se rendre compte que cela serait bien plus économique de compter sur les “créateurs de contenus” à la Instagram qui produisait gratuitement, laissant des acteurs médias exsangues et acculés par le manque de monétisation.
Ben Smith, rédacteur en chef de Semafor et ancien responsable de BuzzFeed News, décrit Twitter comme un des lieux de conversation central et pour beaucoup élitiste, entre leaders politiques, chefs d’entreprise technologiques, journalistes, activistes et d'autres Key Opinion Leaders, les fameux KOL des marketeurs d’influence. Ezra Klein, cofondateur et ancien rédacteur en chef de Vox, souligne que la politique et les médias semblent se répartir entre reach de masse sur Facebook et reach de KOL sur Twitter. Peut être à la nuance près que Twitter n'a jamais généré de trafic significatif vers les sites Web, contrairement à Facebook.
Twitter a aussi joué un rôle clé dans l'ascension de Donald Trump, l’émergence du mouvement socialiste de Bernie Sanders au sein du Parti Démocrate, en devenant un point de rencontre pour les politiciens et les membres les plus bruyants des deux partis politiques américains.
Cependant, rétrospectivement Twitter a eu des effets négatifs : de la hausse du harcèlement en ligne à la polarisation des journalistes et des médias pour produire du contenu clivant et polémique (que d’aucuns qualifieraient de “putaclics”), s’éloignant de leur mission d’information générale que plébiscitaient leurs lecteurs originels. Sans compter l’illusion que Twitter était l’endroit où se passait l’info..
Twitter catalyzed some of the great social movements of our time, from Black Lives Matter to #MeToo to trans rights, but it also created a ferocious negative incentive for anyone working on challenging stories.
L'article de The Verge s’achève en abordant les changements intervenus depuis l'achat de Twitter par Elon Musk et l’amplification des effets négatifs dans la presse :
Stepping back now, you can see exactly how destructive this situation was for journalism: reporters around the world provided Twitter with real-time news and commentary for free, increasingly learning to shape stories for the algorithm instead of their actual readers. Meanwhile, the media companies they worked for faced an exodus of their biggest advertising clients to social platforms with better, more integrated ad products, a direct connection to audiences, and no pesky editorial ethics policies. The news became ever smaller, even as the stories got bigger
Klein et Polgreen qui signent l’article, expriment leur espoir qu'aucun des remplaçants de Twitter (Mastodon, Blue Sky, Threads,…) ne parvienne à prendre autant d'ampleur, évitant ainsi les dérives décrites concernant twitter.
Les deux journalistes tirent à boulet rouge sur les réseaux sociaux : pour eux, l'ère des plateformes a vidé le journalisme de sa substance, détruit la confiance et conduit l’ensemble de la profession à réaliser un travail médiocre et ennuyeux (les confrères apprécieront). Un des défis que pose cet article et auquel il ne répond pas est la possibilité de savoir si le secteur des médias a pu apprendre de cette phase et s'adaptera à l'avenir.
Dépouillé 🫳 : Tiktok pirate les contenus TV
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Un article de Stratégies cette semaine souligne la tendance croissante à la diffusion (illégale) de films sur TikTok. Contrairement aux anciennes méthodes de piratage en ligne, une nouvelle génération a accès à une riche offre cinématographique via des clips courts sur leurs smartphones (des découpages en 57 parties!). Cependant, cette pratique enfreint évidemment les lois de propriété intellectuelle.
Mathilde Carle, avocate spécialisée, précise que les exceptions à la propriété intellectuelle, comme la liberté d'expression ou l'enseignement, ne s'appliquent absolument pas à ces cas-là. Les ayants droit devraient et pouvoir exiger le retrait de ces contenus illégaux, en s’appuyant sur les lois françaises et européennes.
TikTok, malgré les conditions générales qui interdisent de telles pratiques, semble peu enclin à retirer les contenus coupables de violation de propriété intellectuelle. Le rapport de transparence de TikTok indique seulement 2 631 contenus retirés dans le monde, un faible nombre par rapport à l'ampleur du contenu disponible. Frédéric Delacroix de l'ALPA (Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle) exprime son mécontentement face à l'inaction de TikTok malgré des discussions répétées. Par contraste, il souligne que d'autres plateformes comme YouTube ont pris le problème au sérieux et ont déjà mis en place des systèmes de reconnaissance des œuvres (ContentID en l’occurence).
Face à cette situation, l'ALPA envisage des poursuites judiciaires, tout comme la SACD, représentant les auteurs d'œuvres audiovisuelles. La SACD est actuellement en discussion avec ByteDance, propriétaire de TikTok, pour des accords sur la diffusion licite et rémunérée d'œuvres audiovisuelles, tout en abordant la question de la piraterie.
Pendant ce temps, certains studios de production voient un avantage dans ce phénomène. Des studios comme Peacock et Paramount ont expérimenté la diffusion de leurs productions sur TikTok. Peacock a diffusé des épisodes de sa série "Killing it" et Paramount a partagé des extraits de "Mean Girls". Ces initiatives visaient à promouvoir des contenus et des sorties de films. Cette approche montre que les studios reconnaissent implicitement l'importance de TikTok pour toucher un jeune public qu’elle aurait du mal à atteindre autrement, offrant même une seconde vie à des films plus anciens et contribuant à renouveler l'intérêt pour des remakes ou des produits dérivés. En France, les productions de Canal+ (La Flamme) ou celles d’émissions d’Amazon Prime Vidéo (LOL qui rit sort) doivent une partie de leur notoriété à ces short clips.
Vu 🎨 : Rothko en majesté à la Fondation LV
L'exposition consacrée au peintre américain Mark Rothko (organisée jusqu’au 2 avril 2024) marque la première rétrospective en France depuis 1999. Cette manifestation, d'envergure exceptionnelle, réunit environ 115 œuvres de Rothko, provenant de prestigieuses collections institutionnelles et privées internationales, dont celles de la National Gallery de Washington, de la Tate de Londres ou encore de la Phillips Collection de Washington, ainsi de la famille de l'artiste (pour les oeuvres les plus anciennes, non abstraites).
L'exposition propose un parcours chronologique de l'œuvre de Rothko. Elle débute avec ses premières peintures figuratives, dominées par des scènes intimistes et des paysages urbains, notamment des scènes du métro new-yorkais des années 1930, que Rothko n’affectionnaient pas trop, disant qu’il ne parvenait qu’à “mutiler” les modèles représentés. Ces œuvres initiales cèdent progressivement la place à un répertoire inspiré des mythes antiques et du surréalisme.
À partir de 1946, Rothko embrasse un tournant décisif vers l'abstraction, marqué par la phase des “Multiformes”, caractérisée par des masses chromatiques en suspension qui cherchent un équilibre. Par la suite, ses œuvres évoluent vers ce qui est aujourd'hui reconnu comme ses pièces « classiques » des années 1950. Ces travaux se distinguent par la superposition de formes rectangulaires dans des tons variés comme le jaune, le rouge, l'ocre, l'orange, le bleu, et le blanc.
En 1958, Rothko reçoit une commande importante pour le restaurant de la Tour Seagram de New York, mais il renonce finalement à la livrer, conservant l'intégralité de la série. Ces œuvres, marquées par des teintes de rouge profond qui juraient avec l’atmosphère festive du lieu de destination, seront plus tard confiés à la Tate Gallery, constituant une salle dédiée à son travail.
Les années 1960 voient Rothko répondre à de nouvelles commandes, dont la plus notable est la chapelle conçue par John et Dominique de Menil à Houston, inaugurée en 1971 sous le nom de Rothko Chapel. Bien que Rothko ait privilégié des tonalités beaucoup plus sombres à la fin des années 1950, il n'a pas cependant complètement abandonné sa palette de couleurs vives.
L'exposition présente également la série des Black and Grey de 1969-1970, qui sont exposées ici aux côtés des œuvres d'Alberto Giacometti, proche de la muséographie que Rothko avait envisagé pour une commande initialement du nouveau siège de l'UNESCO à Paris.
La rétrospective permet une lecture renouvelée de l'œuvre de Rothko en voyant l’évolution de l’artiste qui aura trouvé son style au fil de ses recherches.
On est cependant quelque peu dépassé par cette abondance de toiles de l’artiste, qui bien que différentes, se ressemblent beaucoup dans leur approche conceptuelle. Il en résulte un sentiment de lassitude de voir tout le temps la même chose. Les toiles de Rothko sont des invitations à la méditation et à l’apaisement et on a trop l’impression d’une séance de méditation découpée en microcoupures de 15 secondes, rendant impossible de s’y plonger totalement sereinement. On aura préféré l’exposition du printemps 2022 à Giverny qui était beaucoup plus économe et contemplative de l’œuvre de l’artiste.