Le Wrap Up de la semaine où Thierry Ardisson nous a quittés (semaine du 7 juillet 2025)
⚔️ : Youtube vs. Netflix, les vrais titans s’affrontent - 🐒 : l’éditeur Scholastic tenté par la vidéo digitale - ⚡ : le web survivra-t'il à l’IA ? - 📺 et Internet devient TV - Hitchcock trompeur ?
Au sommaire de cette semaine :
Duellistes ⚔️ : Youtube vs. Netflix, les deux vrais titans du streaming s’affrontent
Darwinien 🐒 : l’éditeur scolaire Scholastic tente sa survie par la vidéo digitale
⏳ Temps de lecture : 7 min 10 sec
PUB 🪖 : besoin de conseils ?
Colonel Motor c’est la structure de conseil en stratégie et levée de fonds que j’ai créée en 2020 à mon départ de TF1.
Je cherche pour la rentrée 2025, des missions dans mon domaine de prédilection : celui des industries créatives (médias, production, apps grand public, IA).
🎯 Si vous n’avez pas besoin de :
clarifier votre stratégie ou d’ajuster votre ambition internationale ;
générer de nouveaux revenus (diversification, nouvelles offres, spin-off d’une activité à potentiel);
d’argent ou de lever des fonds sur un projet ambitieux (deck, roadshow BAs, VCs, ou family offices)
Alors ne m’appelez pas. Sinon on se parle très vite :
Duellistes ⚔️ : Youtube vs. Netflix, les deux vrais titans du streaming s’affrontent
⏳ : 1 min 26 sec
Fini les faux-semblants : la guerre du streaming a désormais deux têtes d’affiche. Oubliez Disney+ et Prime Video, l’affiche de 2025 oppose deux poids lourds : Netflix, le champion du binge-watching calibré, et YouTube, la plateforme du chaos créatif. Objectif ? S’accaparer notre temps de cerveau disponible… sur la télé du salon, désormais terrain de jeu stratégique.
Les chiffres qui piquent
20% du temps passé devant la TV américaine se joue entre YouTube (12,5 %) et Netflix (7,5 %), selon les derniers chiffres de Nielsen (mai 2025).
YouTube : 54 Md$ de revenus en 2024 (plus que Disney, et il s’apprête à le dépasser), près de 8 Md$ de résultat opérationnel estimé !
Netflix : 39 Md$ de CA, plus de 300 M d’abonnés mondiaux, 10 Md$ d’EBIT.
Audience “live” sur TV : 7M devant YouTube à tout moment, 4,7M devant Netflix.
Aux heures de grande écoute : 11,1 M pour YouTube, 10,7 M pour Netflix. On frôle le mano a mano.
Deux modèles, un trône
Netflix mise sur la qualité industrielle : production, achat, propriété, tout est cadré, payé en amont, contenu premium. Plateforme fermée, vision “studio 2.0”.
YouTube joue la décentralisation : chacun poste ce qu’il veut, supporte le coût, et encaisse si succès il y a. Plateforme ouverte, modèle “ferme à contenus” et suggestions algorithmiques chirurgicales.
Netflix voit YouTube comme “la ligue mineure”, tremplin de créateurs en quête de promotion chez les “grands” (on appréciera l’élégance de Ted Sarandos, patron Netflix). YouTube, par la voix de Neal Mohan, renvoie poliment la balle : “Qui sommes-nous pour juger comment les gens passent leur temps ?” Ironie piquante : Mohan binge-watch… sur Netflix.
Le grand glissement
Les frontières s’effacent : Netflix rachète les talents de YouTube (“Ms. Rachel”, “Sidemen”, etc.), YouTube raffine ses audiences et fait trembler la nouvelle vache à lait d’Hollywwood.
Plus personne ne regarderait ce que fait Apple ou HBO. La seule obsession, c’est l’autre.
“Ils sont jaloux, mais ne veulent pas l’admettre.” (Oren Rosenbaum, United Talent Agency).
A chacun ses atouts :
YouTube engrange plus de datas, donc des recommandations soit disant plus fines.
Netflix capitalise sur la valeur perçue, le “moment choisi”.
Mais tous deux convergent vers une même logique : “L’audience est impériale”. Peu importe qui fait le contenu, tant que cela captive les spectateurs.
Si vous préférez tester la version audio de cette newsletter, essayez le rendu de NotebookLM (cette semaine en 🇫🇷) :
Darwinien 🐒 : l’éditeur scolaire Scholastic tente sa survie par la vidéo digitale
⏳ : 1 min 16 sec
Rares sont les maisons d’édition qui peuvent se targuer d’avoir accompagné des générations entières de gamins (US) sur le chemin de la lecture ET d’afficher une réussite industrielle.
Scholastic, c’est l’éditeur américain des best-sellers généralistes :
“Clifford the Big Red Dog” (le chien rouge de la littérature enfants),
“The Baby-sitters Club” (littéralement, des business angels prépubères),
“Harry Potter” (les présentations sont inutiles)
ou encore la fameuse saga des “Hunger Games”.
Mais voilà, derrière la belle histoire, la réalité prend des allures de roman noir : en un an, l’action Scholastic a dégringolé de plus de 40%. L’entreprise voit fondre son trésor de guerre : moins de cash, plus de pression des actionnaires. Pire, l’une de ses branches historiques – comprendre, son business le plus prévisible – stagne depuis des années.
La réponse du board ? Restructuration à tous les étages, et cap sur YouTube pour ranimer la flamme.
Quand on ne sait plus comment séduire la jeunesse, on va là où elle passe le plus clair de son temps — devant les écrans, happée par les algorithmes.
Le business model Scholastic, ou l’ère du “back to school” éternel
Rappelons que Scholastic, c’est la vache à lait des foires aux livres scolaires (90 000 foires organisées localement chaque année), le mètre-étalon du “livre à glisser dans le cartable”, et l’archétype du catalogue qui atterrit dans chaque boîte aux lettres des foyers américains avant chaque rentrée scolaire.
Mais ce modèle, ultra-dépendant du calendrier scolaire et du pouvoir d’achat des parents, est sérieusement remis en cause : les enfants lisent moins, les enseignants subissent les coupes budgétaires, et la concurrence – y compris d’Amazon ou du gaming – fait feu de tout bois.
Le virage digital ? Longtemps repoussé, parfois raté (Scholastic a lancé des apps et des plateformes avec un succès… scolaire).
Aujourd’hui, l’éditeur croit avoir trouvé la solution miracle : investir YouTube avec des contenus “kids-friendly”. Objectif : transformer ses licences phares en franchises vidéo, espérant faire revenir les enfants au livre par le succès de la vidéo. Une thèse qui reste à démontrer.
📱Le groupe WhatsApp du Wrap Up (experimental) est disponible ici : News, sondages et coulisses, c’est là que ça se passe (aucun ado n’a été mis à contribution sur ce projet) :
Highlander ⚡ : le web peut il survivre à l’IA ?
⏳ : 1 min 48 sec
Depuis que ChatGPT s’est invité à table en 2022, la panique s’est emparée des patrons de contneus : plutôt que de googler comme avant, 800 millions de personnes posent leurs questions à des IA.
Résultat : les réponses sont instantanées, les clics vers les sites fondent.
Les éditeurs – médias, forums, Wikipédia – regardent leurs audiences chuter comme une action Reddit en février : -15% de trafic search mondial en un an, -31% sur la santé, -15% sur la culture générale. Une véritable hémorragie.
L’accord implicite historique du web – du contenu gratuit contre du trafic, puis de la pub – est remis en cause. Même Google, qui trustait 90% du search, est obligé de sortir son mode “AI overview” (= pillage du contenu des sites pour n’en afficher que la réponse à la question sans envoi de trafic) pour survivre à la tornade.
Problème : 69% des recherches news ne débouchent plus sur aucun clic. Google, devenu nécrophage, se gave sur le dos des éditeurs. Neil Vogel (Dotdash Meredith) résume l’ambiance : “Ils volent notre contenu pour mieux nous concurrencer.”
Les gros éditeurs dégainent la double tactique “wooing and suing” (séduire et poursuivre en justice) : deals de licence pour les infos, procès contre les IA qui jouent les pickpockets de données.
News Corp pactise avec OpenAI tout en attaquant Perplexity ; le NYT fait copain-copain avec Amazon mais traîne OpenAI devant les tribunaux.
Mais la justice, elle, penche pour la Silicon Valley : “training fair use”, circulez, rien à voir. Trump, lui, préfère laisser les cow-boys coder plutôt que freiner la charge face à la Chine.
Le problème, c’est la longue traîne : des millions de sites trop petits pour rentrer dans cette stratégique de “woo or sue”, dépendants du bon vouloir des bots IA.
Certains misent sur Cloudflare, qui veut instaurer un “péage à bots” (pay-as-you-crawl) ; d’autres sur Tollbit, qui facture l’accès des robots à l’article à la pièce (15 millions de micro-transactions déjà).
Bill Gross, pionnier du web, imagine redistribuer la pub affichée à côté des réponses IA selon la contribution de chaque source (au pro rata).
Reste à réinventer la survie. Stack Overflow parie sur l’abonnement pro, les médias distribuent leur contenu à travers des canaux propriétaires comme des newsletters ou des paywalls, ils ajoutent une dimenson audio/vidéo un peu plus difficile à résumer par l’IA.
Youtube est le seul à voir le trafic IA affluer. Google, imperturbable, fanfaronne : le web a grossi de 45% en deux ans (merci l’IA générative), la “diversité” exploserait – mais les clics humains, eux, disparaissent.
Le web a peu ou prou survécu aux réseaux sociaux, aux apps mobiles. Mais l’IA pourrait bien être son fossoyeur.
À moins, avertit Gross, de réinventer la chaîne de valeur : “Pour sauver l’internet, la démocratie et les créateurs, il faudra partager les revenus de l’IA.” (quand bien même l’industrie n’apparaît pas du tout rentable pour l’instant…)
Télévisé 📺 : et Internet rentra dans le poste
⏳ : 1 min 35 sec
Voici la nouvelle croisade technologique de Mukesh Ambani, l’homme qui rêve de faire de chaque télévision indienne un PC du futur… ou du passé, c’est selon.
La recette ? Prendre une boîte noire, la « Jio Set-top Box » (offerte ou vendue 64 $ pièce, soit moins cher qu’un écran d’iPhone reconditionné), y injecter un soupçon de cloud computing, ajouter un clavier, une souris, et voilà : le JioPC, le “PC pour tous” version Bollywood.
La promesse est aussi simple que massive : démocratiser l’accès à l’informatique dans le pays le plus peuplé de la planète.
Aujourd’hui, 70% des foyers indiens possèdent une télé, mais seuls 15% affichent un vrai PC sur la table basse (on passera sur le saut technologique que peut représenter le mobile dans un pays encore largement en voie de développement).
Chez Jio, on s’imagine déjà transformer ces 200 millions d’écrans plats en autant de bureaux virtuels. Évidemment, la route est semée d’embûches.
Premier obstacle : convaincre les familles qu’un PC n’est pas obligatoirement une grosse boîte beige qui traîne dans le salon depuis 2002, mais peut être virtuel, piloté depuis le cloud, sur leur téléviseur.
Ambani, la toute première fortune indienne, devra aussi composer avec l’état réel du marché : sur 57 millions de boîtiers actifs, le DTH (Direct-To-Home) recule déjà de 8% par an, délaissé au profit du streaming et de la consommation mobile. Le pari est donc autant un saut dans l’avenir qu’une tentative de freiner l’érosion de la TV traditionnelle, en la métamorphosant en machine à tout faire.
Côté offre, le JioPC joue la carte open source (la suite bureautique LibreOffice sera préinstallé), mais reste timide sur les périphériques usuels (pas de caméra, pas d’imprimante : les joies du tout dématérialisé pour une génération plus âgée que les early adopters..)
Pour les addicts à la bureautique Microsoft, il faudra passer par le navigateur – une gymnastique peu intuitive pour qui découvre l’informatique. Mais à 488 M d’utilisateurs déjà convertis à l’écosystème Jio, le potentiel est titanesque.
La clé du succès ? L’exécution, bien sûr. Il s’agira d’abord de surmonter la fracture numérique indienne — problèmes de connexion, de formation, de pertinence perçue. Surtout, il faudra que l’offre déborde de services, car la concurrence sur le cloud PC (Microsoft, Amazon & co) cible depuis longtemps les entreprises, jamais les particuliers à grande échelle.
Reste à voir si l’Inde va sauter le cap du “PC pour tous”, ou si la télévision restera, encore un moment, ce bon vieux compagnon du canapé à l’expérience “lean back”. Le feuilleton commence.
Désillusionné 📸 : Hitchcock s’est-il trompé ?
⏳ : 50 sec
Le livre de Pierre Bayard, Hitchcock s’est trompé, est plein d’élucubrations intéressantes autour d’un des films les plus magistraux d’Hitchcock : Fenêtre sur Cour avec James Stewart et Grace Kelly. Bayard mène la contre-enquête qui démontre assez brillamment l’inconsistance de l’acte d’accusation du film.
Une seconde partie sur l’analyse psychanalytique du film (en deux mots non pas un film voyeuriste reflet de notre tendance contemporaine, mais le reflet de la "paranoïa à deux" du personnage principal et de sa jeune fiancée pour qui tout concourt à la thèse de l’assassinat).
Enfin, une troisième partie s’évertue à révéler l’identité des probables auteurs du seul meurtre avéré du film, une thèse légère et peu convaincante sur le statut de l’animalité dans nos sociétés contemporaines.
C’est toujours le problème des livres à thème de Bayard, “tout ressemble à un clou pour qui est un marteau.”
Le vrai mérite du livre : redonner envie de voir le film.
En tout état de cause, 70 ans après le tournage du film, Lars Thorwald s'est enfin trouvé un bon avocat.
En bon Deleuzien revendiqué, Bayart s'échine à "déconstruire" les romans et films qui ont constitué nos plaisirs de romans policiers (le Chien des Baskerville, le Meurtre de Roger Ackroyd, les 10 Petits Nègres), au risque de faire étalage de son cabotinage. Faut-il rappeler que la littérature et le cinéma sont le domaine du vraisemblable, non pas un tribunal judiciaire ?
littérature et le cinéma sont le domaine du vraisemblable ;) on bénéficie de la suspension de l'incrédulité surtout dans les 15 premières minutes ensuite faut tenir les promesses